COMMUNIQUE DE PRESSE

Remboursements des soins psychologiques: des psychologues cliniciens au Conseil d’Etat contre la nouvelle convention

23/09/2021

APPELpsy-www.appelpsy.be (Association professionnelle des psychologues cliniciens de la parole et du langage)

KLIpsy – www.appelpsy.be (Beroepsvereniging van klinisch psychologen voor praktijken die het spreken centraal stellen)

UPpsy- BUPsy www.uppsy-bupsy.be (Union Professionnelle des Psychologues-Beroeps Unie voor Psychologen)

APPpsy www.apppsy.be (Association des Psychologues Praticiens d’orientation Psychanalytique)

Contact :
Notre avocat : Mtr. Vincent Letellier 0477/20.61.91

Pour les associations professionelles :
Stef Joos (NL) 0474/52.97.36 ou 0740/11.12.24
Martine Vermeylen (FR) 0496/14.75.65

Fin juillet, les psychologues ont appris l’existence d’une nouvelle convention INAMI concernant une “Offre de soins psychologiques renforcée pour tous”. Il s’agit d’un texte de base sur la possibilité d’un remboursement des consultations chez un psychologue clinicien. Les associations professionnelles APPELpsy, APPPsy, KLIPsy et Uppsy-Bupsy, après une longue délibération, ont décidé d’introduire un recours au Conseil d’État afin d’annuler la décision de l’INAMI à ce sujet. Nous sommes bien conscients d’une attente importante de la population quant à une plus grande accessibilité de l’aide psychologique et nous partageons cette attente, mais nous considérons notre démarche comme nécessaire car cette convention ne respecte, selon nous, ni le code de déontologie du psychologue, ni la loi sur les droits des patients. Elle porte également gravement atteinte à l’autonomie du psychologue clinicien.

Cette convention, en effet, prend appui sur un mode de pensée économique, concernant les soins de santé mentale, qui ne correspond pas à la réalité de nos pratiques : un système qui vise uniquement un “retour sur investissement”, l’efficacité et le contrôle des coûts, avec un traitement aussi court et bon marché que possible. Ce faisant, il n’est pas tenu compte de la nature spécifique des soins psychiques.

De plus, nous attirons l’attention sur un courrier de la Commission des psychologues, adressé en mi-septembre au ministre de la Santé publique. Il y est indiqué que les conditions de l’accord sont inconciliables, et avec le code de déontologie du psychologue, et avec la loi coordonnée relative à l’exercice des professions de santé (article 33). En outre, la convention ne rend pas obligatoire l’inscription des titulaires d’un master en psychologie conventionnés auprès de la Commission des psychologues. Cela signifie en clair que la possibilité de déposer une plainte auprès des Commissions disciplinaires, en cas de violation du Code de déontologie, est juridiquement impossible – ce qui ne protège ni le patient, ni la profession.

LES ASSOCIATIONS SIGNATAIRES, ON L’AURA COMPRIS, ONT PLUS D’UNE RAISON D’ÊTRE PRÉOCCUPÉES.

En effet, comme lors des conventions précédentes en matière de soins psychologiques, il est demandé aux psychologues d’ignorer la réglementation légale sur le partage du secret professionnel, imposée par leur Code de déontologie. Or, le respect du secret professionnel est une condition fondamentale du travail psychologique, car elle permet aux personnes de parler librement de leurs problèmes. De plus, il ne s’agit pas seulement d’une question de vie privée, ni du respect d’informations sensibles concernant des tiers dont il serait question en entretien avec un(e) psychologue. Le secret professionnel est inscrit dans la loi en matière de “droit public”: il constitue un des piliers d’une société démocratique dans la mesure où il garantit des espaces où chacun(e) peut s’exprimer librement, sans subir de pressions ni de conséquences fâcheuses.

De plus, la convention ne prévoit de remboursement que lorsque les personnes consultent un psychologue dans leur région. Cela signifie qu’elles ne sont plus totalement libres de choisir leur propre thérapeute ou soignant : un droit pourtant prévu par la loi sur les droits des patients. Nous nous interrogeons également sur la base juridique qui permettrait de confier à des «réseaux», dépendant obligatoirement d’un hôpital et de sa logique managériale, la tâche non seulement de sélectionner les psychologues participants mais d’organiser l’évaluation de leur travail, alors que les psychologues compétents en la matière ne sont que marginalement représentés au sein des dits réseaux et des discussions qui les concernent.

La convention instaure ainsi un système doublement discriminant : tous les psychologues, à qualifications égales, n’y ont pas accès, et de nombreuses personnes sont exclues du droit à l’indemnisation du fait de la limitation du nombre de psychologues accessibles. En outre, les patients ne peuvent refuser le partage de données confidentielles, sous peine de non-remboursement. Il est aussi paradoxal qu’inquiétant que la convention que nous dénonçons favorise en réalité – et quelles que soient leurs intentions – des psychologues peu soucieux de respecter un code de déontologie pourtant imposé par la loi (Arrêté Royal du 26 mai 2014, fixant les règles de déontologie du psychologue, dans le cadre de la loi de 1993 sur la protection du titre de «psychologue»).

Cette convention, à un autre niveau, fait la distinction entre les soins psychologiques “de première ligne” et les soins “spécialisés”, tels qu’ils sont conçus dans un modèle “médical”, où le médecin généraliste renvoie à un spécialiste si nécessaire. Dans cette logique étrangère aux pratiques réelles en santé mentale – où l’on a affaire à des souffrances plutôt qu’à des maladies – les soins dits “spécialisés” sont prescrits lorsque, en raison d’un “trouble” sous-jacent, il n’est pas possible de remédier aux symptômes en 4 à 8 séances. Les personnes dépassant cette jauge se voient ainsi stigmatisées. De plus, si la transition doit être accompagnée d’un changement de psychologue, la “continuité des soins” n’est pas respectée, au sens donné à cette expression par les praticiens pour qui la dimension relationnelle prime. Ceci porte préjudice à la confiance dans la relation thérapeutique qui est l’un des facteurs d’efficacité avéré de la prise en charge psychologique. Des recherches montrent qu’à chaque nouvelle orientation, des personnes abandonnent le système de prise en charge.

Dans l’encadrement légal des professions de santé (loi notamment sur la qualité des soins), la psychologie clinique est reconnue comme une profession autonome. Or, dans la convention, un médecin – quelle que soit sa formation – doit nécessairement être impliqué dans la demande de soins spécialisés. On ne voit pas pourquoi le psychologue – formé à cet effet – ne pourrait prendre cette décision de manière autonome en accord avec la personne concernée ?

NOTRE VISION DES CHOSES

En tant qu’associations professionnelles, nous voulons nous assurer de ce que nos membres et tous les psychologues puissent exercer dans des conditions qui permettent un travail de qualité. Les Mutuelles ont démontré, depuis plusieurs années, que le remboursement des soins psychologiques ne doit pas être organisé de manière restrictive. L’échange d’informations, balisé par le Code de déontologie et justifié quelquefois par des fins thérapeutiques, devrait être totalement séparé de la question du remboursement. La compétence clinique, les conditions de remboursement, et les impératifs éthiques et déontologiques du secret professionnel ne peuvent en aucun cas se voir mis en concurrence.

EN CONCLUSION

Nous demandons au gouvernement d’assumer ses responsabilités. Si l’État veut travailler efficacement au remboursement de consultations psychologiques “pour tous”, nous nous en réjouissons — pour peu que le plus grand nombre de citoyens puissent réellement en bénéficier, sans sacrifier pour autant la qualité et la liberté des processus thérapeutiques mis en œuvre. En d’autres termes, rendre les soins psychologiques plus accessibles n’est crédible que si l’on respecte la spécificité, l’autonomie et la déontologie de la profession. Par faute de concertation avec les instances compétentes, ce n’est pas actuellement le cas. Nous demandons donc de nouvelles discussions à propos d’un modèle de remboursement qui tienne compte de ce qui précède.

 

UPPSY BUPSY, Stef Joos et Martine Vermeylen, co-présidents, Hilde Descamps, administratrice

APPELpsy, Hélène Coppens, présidente

APPPsy, Francis Martens, président, Philippe Lemmens, administrateur

KLIPsy, David Teetaert, président